En Afrique, les activités agroéconomiques et écologiques sont au cœur de la vie des communautés rurales. Pourtant, face aux effets consécutifs du dérèglement climatique, ces populations locales, peu outillées, sont contraintes de s’adapter comme elles peuvent. Dans plusieurs régions, l’agriculture telle que pratiquée aujourd’hui, ne suffit plus à subvenir aux besoins. Alors, de nombreuses familles migrent à la recherche d’une terre plus fertile. Sinon, des milliers de jeunes risquent chaque année leur vie, traversant le désert et la méditerranée, à la recherche d’un avenir meilleur. Or cet avenir meilleur se trouve sous leur pied, pourvu que notre relation avec la terre nourricière s’améliore quelque peu. C’est tout le sens donné à la création du Centre d’Innovation Rural Agroécologique (CIRA) dans le Sud Comoé dont le Président du Conseil Régional nous a fait l’honneur de visiter le 28 mars dernier.
Le littoral en première ligne
En effet, en Côte d’Ivoire, comme ailleurs dans le monde, les impacts du changement climatique se font sentir sur l’ensemble du territoire, mais c’est sur le littoral que les signes sont les plus alarmants. Selon une étude de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), « l’érosion côtière est la principale contrainte affectant la disponibilité des ressources naturelles dans le Sud-Comoé ».
Entre chaleur excessive, sécheresse prolongée, assèchement des cours d’eau et dégradation des sols, les communautés rurales sont contraintes de migrer à l’intérieur du pays, voire au-delà des frontières. Ce phénomène migratoire est souvent une réponse désespérée à la baisse des rendements agricoles, à la chute des prix et à la raréfaction des ressources halieutiques, la pêche étant devenue à la fois moins fructueuse et plus dangereuse.
Le CIRA nous invite à intégrer les pratiques agroforestières dans la mise en place des plantations afin de diversifier les sources de revenus des producteurs. Aujourd’hui, plus de 45 000 ha sont couverts par des palmiers dont l’âge a atteint la quarantaine. Or pour des rendements viables, le temps de rotation pour de telles cultures est de 25 ans, voire 30 ans maximum. Il faut donc renouveler tout ce verger villageois, mais en mettant en place des systèmes agroforestiers qui permettront de regénérer le sol. L’un des défis du CIRA consiste à former des jeunes agriculteurs modernes et renforcer les capacités des producteurs actuels pour le renouvellement de leurs vergers. Cette synergie d’actions permet de mieux faire face aux défis climatiques et économiques.
Au nord, l’alerte est maximale
Dans le nord de la Côte d’Ivoire, notamment dans la région du Tchologo, les habitants ressentent fortement les changements environnementaux. 91 % des populations de cette zone déclarent avoir observé une dégradation significative de leur environnement, rapporte l’OIM. À cela s’ajoutent les tensions sécuritaires aux frontières nord du pays, qui accentuent encore les flux migratoires vers le sud, l’ouest ou vers l’Europe, dans l’espoir d’un avenir meilleur.
Ces migrations, souvent précaires et périlleuses, traduisent une perte d’ancrage territorial des communautés rurales, dont les repères s’effritent face à la montée des vulnérabilités climatiques et sécuritaires.
Les femmes, premières touchées
Par ailleurs, les femmes sont particulièrement exposées à ces bouleversements. Déjà confrontées à des obstacles sociaux et fonciers, elles voient leur situation empirer avec le dérèglement climatique. En Côte d’Ivoire, « les femmes, dont les activités dépendent principalement des ressources naturelles, rencontrent des difficultés accrues pour accéder aux facteurs de production (terres, eau). Cela les rend particulièrement vulnérables(… )», souligne l’OIM.
Repenser l’agriculture, protéger les populations
Les enjeux sont clairs : si rien n’est fait, les crises climatiques et migratoires risquent de s’aggraver. Il est temps de repenser notre rapport à l’agriculture, à la terre, à la gestion des ressources naturelles, et de placer la résilience climatique au cœur des politiques publiques. Car derrière chaque donnée, chaque chiffre, ce sont des vies humaines qui se battent pour survivre. Le CIRA est là pour montrer la voie vers la résilience climatique.