Contexte et enjeux
L’utilisation d’engrais phosphatés importés, notamment depuis le Maroc, suscite une préoccupation croissante en Afrique sub-saharienne. Dans ces engrais, il y a du cadmium, une impureté présente naturellement dans les roches phosphatées. Ce métal lourd est classé cancérogène par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) et l’OMS. En France, l’accumulation du cadmium dans les tissus chez les adultes a presque doublé selon des médecins libéraux, provoquant un appel à renforcer les contrôles.
Flux d’importation en hausse
- Sénégal : les importations d’engrais sont passées de 37 920 tonnes en 2021 à 107 579 tonnes en 2022 — un financement triplement plus important — bien que Dakar favorise l’utilisation d’engrais non phosphatés.
- Côte d’Ivoire : en 2021, le pays a importé 567 186 tonnes d’engrais, soit plus de cinq fois le volume du Sénégal en 2022, avec 76 % provenant du Maroc, sous les formes suivantes : NPK (21 %), TSP et DAP (26 %).
Ces importations élèvent le risque d’accumulation de cadmium dans les sols. Il s’en suit des conséquences néfastes sur la biodiversité et la santé humaine.
Risques sanitaires et environnementaux
Le cadmium s’accumule dans le sol au fil des années. Ensuite, il peut persister jusqu’à 20 ans au sein des organes humains, dans le foie et les reins. L’alimentation représente la voie principale d’intoxication.
Lorsque les plantes absorbent une part du cadmium répandu par l’apport d’engrais phosphatés, plusieurs produits de consommation courante sont exposés à une contamination. Ce métal est associé non seulement à des cancers — du pancréas, du sein et de la prostate — mais aussi à des maladies rénales, osseuses et hormonales.
Situation réglementaire et réponse internationale
- Union européenne (UE) : depuis le règlement 2019/1009 – pleinement applicable depuis juillet 2022 – la teneur maximale autorisée de cadmium dans les engrais phosphatés est de 60 mg/kg de P₂O₅, avec pour objectif de réduire ce seuil à 20 mg/kg.
- Afrique de l’Ouest (CEDEAO) : les normes locales sont généralement moins exigeantes, pouvant atteindre jusqu’à 1 000 mg de Cd/kg de P₂O₅, ce qui pose un défi réglementaire.
Initiatives pour une agriculture durable
Face à ces enjeux, plusieurs actions apparaissent nécessaires :
1- Le renforcement des contrôles et l’optimisation des normes au niveau régional, pour une baisse des teneurs en cadmium.
2- La promotion de l’innovation locale pour développer des engrais organiques ou à faible teneur en cadmium, susceptibles d’être produits et exportés régionalement.
3- L’appui aux fermiers de sorte à déployer des programmes d’accompagnement technique pour améliorer les pratiques agricoles, réduire la dépendance aux phosphates et encourager la permaculture. Des études africaines soulignent déjà la montée de la pollution et de l’accumulation du cadmium dans les cultures.
4- Une coopération internationale pour renforcer la sensibilisation, la prévention, la recherche et les bonnes pratiques. Des partenariats comme ceux entre PhosAgro et la FAO contribuent à la réduction des risques. La mise en place des réseaux de laboratoires, la disponibilité de kits de diagnostic des sols et la promotion de normes de fertilité vertes constituent des actions durables et urgentes afin d’éviter des fléaux sanitaires ou écologiques.
Au total, l’exposition croissante au cadmium via les engrais phosphatés pose un défi sanitaire et environnemental majeur en Afrique de l’Ouest. Un effort concerté — combinant contrôles renforcés, réglementation alignée avec les normes internationales, innovation locale et assistance aux agriculteurs — est indispensable pour assurer une transition vers une agriculture durable et protectrice de la santé humaine. Le développement d’engrais organiques locaux, en complément ou en alternative aux engrais phosphatés importés, offre une perspective prometteuse pour sécuriser l’avenir agricole et sanitaire de la région.