Orpaillage clandestin : Une plaie béante pour l’économie du cacao ivoirien et ghanéen

L’orpaillage clandestin a pris de l’ampleur à partir de la crise de 2002 en Côte d’Ivoire et s’est principalement développé dans la partie nord du pays, sous l’emprise des rebelles. Malheureusement, la fin de la rébellion n’a pas marqué la disparition de cette pratique illégale et désastreuse. Bien au contraire, cette activité s’est étendue au V Baoulé, voire à la partie sud de la Côte d’Ivoire dans son ensemble. Pourtant, les mesures répressives et les campagnes de sensibilisation ne manquent pas.

En juillet dernier, le ministre des Mines, du Pétrole et de l’Énergie a parcouru le district des Savanes (Kong, Boundiali, Korhogo) pour sensibiliser les populations aux conséquences néfastes de l’orpaillage illégal sur la santé de nos populations et l’environnement. Malgré ces efforts, l’orpaillage clandestin continue de se propager. Cette frénésie aurifère qui déstabilise des écosystèmes sur l’ensemble du territoire national touche des zones de fortes production agricole, notamment les régions de la Nawa et du Cavally. Respectivement essentielles pour la production cacaoyère et la préservation de la faible couverture forestière de la Côte d’Ivoire. Des études récentes menées au sein et autour du parc national de Taï ont révélé des activités intenses d’orpaillage clandestin; un véritable désastre pour la biodiversité.

Plus grave, dans la Réserve Naturelle de Cavally, où Earthworm Foundation intervient depuis 2021 avec un financement public-privé (Suisse, France), ces activités illégales persistent malgré les actions de répression menées par l’OIPR (Office Ivoirien des Parcs et Réserves). Elles s’étendent également le long du fleuve Cavally, qui marque la frontière naturelle entre la Côte d’Ivoire et le Libéria. Les moyens sophistiqués déployés et plusieurs faits révèlent une implication particulière et massive de ressortissants étrangers dans ce fléau d’orpaillage clandestin hautement nuisible aux populations locales.

Du matériel d’orpaillage clandestin détruit à Kong et Séguéla.

Depuis la récente tournée de sensibilisation du ministre des Mines, du Pétrole et de l’Énergie, des sites d’orpaillage clandestin démantelés sont recolonisés par les orpailleurs, très souvent récidivistes et équipés, comme rapporté par la gendarmerie nationale. « À Ebilassokro, un site d’orpaillage illégal, précédemment démantelé, avait été recolonisé. Les gendarmes ont procédé à son déguerpissement, détruisant 15 motopompes, 9 concasseurs, 4 dispositifs de lavage, une motocyclette, des abris de fortune ainsi que des tuyaux. Quatre individus ont été interpellés sur le site, et 4 bouteilles de gaz ont été saisies », souligne la gendarmerie nationale, après une nouvelle opération.

Le fléau de l’orpaillage clandestin ronge les plantations, la biodiversité et le plan d’eau. Jusqu’à présent, les discussions autour de l’orpaillage clandestin se sont focalisées sur ses impacts négatifs sur la santé des populations locales et sur l’environnement. Prenons garde ! Car, si l’orpaillage clandestin n’est pas maitrisé rapidement, c’est toute l’économie cacaoyère ivoirienne qui risque d’être gravement affectée. Les chocolatiers pourraient se détourner du cacao ivoirien en raison des risques associés à la contamination.

La Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao avec près de 40 % de la production globale suivi du Ghana (20 %) pays limitrophe affecté aussi par l’orpaillage clandestin ont intérêt à endiguer ce fléau pour protéger leur économie. En effet, l’extraction de l’or utilise des substances dangereuses comme le mercure et d’autres métaux lourds, dont les effets nocifs sur la santé sont bien connus. Des études récentes ont détecté des traces de mercure (Hg), de cadmium (Cd) et de plomb (Pb) dans des échantillons de chocolat. Ces métaux, probablement issus des activités incontrôlées d’orpaillage au Ghana (connues sous le nom de Galamsey), touchent aussi les régions frontalières de la Côte d’Ivoire.

« Le Groupement spécial de lutte contre l’orpaillage illégal (GSLOI) a mené une nouvelle opération d’envergure, le jeudi 26 septembre 2024, dans la région du Sud-Comoé. Cette intervention, effectuée à M’possa et Niamienlessan, dans la sous-préfecture de Kouakro, a permis la destruction de plusieurs sites d’orpaillage illégal », confirme la gendarmerie nationale. Les métaux lourds, tels que le plomb et le cadmium, présentent des risques graves pour la santé, notamment pour les enfants, les femmes enceintes et les personnes atteintes de maladies chroniques. Leur ingestion, même à faible dose, entraîne une accumulation dans l’organisme, causant à long terme des complications graves.

Site d’orpaillage clandestin dans le Sud-comoé

L’urgence est de taille ! Les gouvernements ivoirien et ghanéen sont appelés à prendre des mesures draconiennes pour préserver leur avantage concurrentiel sur le marché du cacao, pilier important de leurs économies. La résurgence de l’orpaillage clandestin et ses conséquences sanitaires, environnementales, sécuritaires et économiques nécessitent des actions structurantes en plus du renforcement des interventions de coercition. Faute de cela, c’est un pan entier de leurs économies, déjà fragiles, qui pourrait s’effondrer. Tout en veillant à la protection de l’environnement pour toutes les générations, nous devons préserver la qualité de nos produits locaux sur tous les marchés et valoriser le dur labeur de nos braves paysans.

L'orpaillage clandestin : un désastre écologique.

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